Raphaël Pomey
Raphaël Pomey

26 septembre 2022

Il y a des lendemains de votations en enfer

Et la morale de l’histoire, c’est que la démocratie c’est super mais à condition que les gens votent à gauche.

Inutiles pour ouvrir vos chakras, mes publications sont un défouloir où il est interdit de montrer de la «bienveillance» et de «croquer la vie à pleines dents». Rédacteur en chef du journal «Le Peuple» et philosophe de formation, j’y dégonfle des baudruches et vous oriente vers les auteurs que j’aime.

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Chers amis, Chers camarades,

Ce n’est pas dans mes habitudes, mais pour une fois je vais vous donner le contenu de mon enveloppe de vote du week-end dernier. Et vous allez sans doute être surpris : oui, je fais partie de ces gens qui s’opposaient à la hausse de l’âge de la retraite des femmes en Suisse. Sans succès, puisque comme vous le savez, les dames devront désormais travailler aussi longtemps que les mâles dans notre beau pays.

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Un tel vote peut surprendre de la part d’un homme que l’on aime classer pas mal à droite, mais il se trouve que je ne considère pas le boulot comme un bienfait, plutôt comme une malédiction. J’ai eu l’occasion, dans ma vie, de bosser dans une poissonnerie où des Portugaises étaient déjà brisées physiquement à trente ans par la répétitivité des gestes du travail à la chaîne, le réveil à quatre heures du matin et le froid. Leur demander de tirer une année de plus, avec mon bulletin de vote, ne m’enthousiasmait pas plus que cela. J’ai un petit cœur qui bat, ce sera toujours ma faiblesse.

La fôte à la drouate!

Mais le peuple a tranché, par 50,57% des voix, et j’accepte son choix. Parce qu’à défaut d’un meilleur système, c’est encore la démocratie qui fait foi en Suisse. Et c’est justement là où j’ai eu un peu eu du mal, ce matin, en lisant la presse. Vous voyez, moi je croyais naïvement que les femmes et les Romands avaient le droit de vote dans ce pays : or, qu’est-ce que j’apprends ? Tout cela ne serait finalement qu’une victoire des hommes alémaniques ! La faute à la "droate bourjoize", comme ironise le camarade avec lequel nous avons fondé Le Peuple (vous êtes abonnés ? On a besoin de vous pour que se développe un véritable contre-pouvoir médiatique).

Et on retombe là dans l’Everest de cette culture de la baudruche en vogue au sein de notre société, et que j’exècre : à savoir le moment où des gens qui vivent de mes impôts, gagnent largement leur vie sans avoir jamais produit la moindre richesse, viennent nous expliquer que le système qui les engraisse depuis des décennies est en réalité fondamentalement vicié. Des gens qui enchaînent présidences de fondation, postes de secrétaires syndicaux et conseils d’administration, mais qui viennent jouer les défenseurs des petites gens. A ce petit jeu, je crois que c’est l’inénarrable Ada Marra qui vient de percuter le plus violemment le mur du çon chez nos amis de 24 heures: «Cela me met en colère que les femmes et les classes populaires doivent subir le vote des classes dominantes pour lesquelles ce n’est pas un problème de travailler jusqu’à 65 ans», s’indigne la conseillère nationale PS. Diantre !  Quelqu’un aurait rétabli le suffrage censitaire en douce ! En outre, je ne suis pas allé vérifier, mais je crois me souvenir qu’un élu au National, homme ou femme, touche dans les 150 plaques par an. Cela fait un peu beaucoup pour avoir le toupet de venir vomir les « classes dominantes » auprès de ploucs qui ont le tort de mal voter.

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Recherche: élu-e-s de gauche.

Très en forme, également, sa collègue verte Léonore Porchet, sur Twitter. Visiblement férue d’arithmétique, notre élue bédéphile (il y a des bandes dessinées en enfer) s’est fendue d’un tweet déplorant que « 35'000 personnes décideront pour toutes les femmes de Suisse ». 35'000, soit la différence de voix qui faisait pencher la balance dans un sens plutôt que l’autre au moment de ce message très fort ; je n’ai pas regardé l’évolution de l’écart par la suite. Gageons cependant que s’il n’y avait eu que cent voix de différence, mais pour sauver la retraite à 64 ans, la petite mère du peuple se serait montrée un peu moins colère. Tout au plus aurait-elle fait part de son inquiétude devant la pression sur les droits des femmes, sans remettre tout le système en cause.

Méchant peuple.

Mais vu que l’heure est à la défense de l’égalité, nous aurions vergogne à ne pas citer un mâle triomphant parmi ces réactions indignées. Un confrère, en l’occurrence, puisqu’il s’agit d’Eric Felley, du Matin. « Ce sont les cantons où le patriarcat est le plus fort, qui ont décidé de mettre les femmes au travail jusqu’à 65 ans », assène-t-il, comme si les dames étaient enchaînées à la cuisine les jours de votations fédérales en Suisse centrale. Patriarcat, Suisse allemande, classes dirigeantes... C’est officiel, le trio des salauds est désigné !

Une sale habitude

Tout cela me ramène au douloureux souvenir de la votation sur l’interdiction de la construction de minarets, en novembre 2009. Là aussi, j’avais voté comme la gauche, estimant que c’était aux Cantons ou aux communes de gérer la question, de nature religieuse. Et là aussi, une fois que le peuple avait fait son choix en respectant les usages démocratiques, des gens avaient fait usage d’un autre droit démocratique – manifester – pour nous expliquer que la démocratie était tout de même un truc vachement dangereux. Oui je sais, même en posant froidement les choses, c’est difficile de décrire un serpent qui se mort trois fois la queue. Nous avions même vu des pancartes où l’on pouvait lire « tous musulmans », dans ce cadre... L’écriture n’était pas encore à l’inclusif, faut-il constater. On trouvait aussi des T-shirts où les gens revendiquaient leur appartenance à « l’autre moitié » du pays, celle qui votait juste, qui appartenait au camp du Bien, du progrès et des Lumières.

J’ai beau parfois voter comme cette autre moitié, son arrogance m’insupporte. Parce qu’elle ne nous emmène pas plus que l’autre vers des lendemains qui chantent. Derrière ses cris indignés et sa dénonciation des hommes, des Blancs, des cisgenres, des mangeurs de viande, des automobilistes, du secteur privé, du football, du masculin générique, de la religion, de l’alcool, du tabac et de la liberté en général, je ne vois qu’une chose : le besoin de poursuivre un combat largement chimérique et hypocrite, mais qui permet à ses élus de penser qu’ils font autre chose que voler l’argent des gens en utilisant la démocratie comme plan de carrière.

Que Dieu nous garde,
Raphaël Pomey


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