Batman et la guerre en Ukraine

Dessiner la guerre en Ukraine

Le début de la guerre en Ukraine a bousculé mon planning créatif. Jusqu'au bout, ma part optimiste et pacifiste avait espéré une résolution diplomatique au conflit entre la Russie et l'Ukraine. Mais Vladimir Poutine, les idéalistes, il les emprisonne ou les empoisonne.

L'annonce de l'invasion m'a pris par surprise et m'a dévasté, choqué, vidé. Dans cet état d'esprit, il m'était impossible de poursuivre comme si de rien n'était les illustrations sur lesquelles je travaillais. J'avais besoin de dessiner sur le sujet.

En 2020, au début du confinement, j'ai publié sur le blog l'article "7 bonnes raisons d'apprendre à dessiner". J'y expliquais notamment les vertus relaxantes du dessin, qui permettent de désamorcer les situations de crise et d'apaiser les angoisses.

J'avais besoin (et envie) de dessiner, et pourtant l'inspiration se dérobait. Pour sortir de cette impasse créative, j'ai d'abord fouillé dans mes archives. En 2014, j'avais commencé un projet entre l'illustration et la BD qui évoquait le syndrome post-dramatique d'un aviateur confronté aux horreurs de la guerre.

C'était un travail très personnel, qui me tenait à coeur, que peu de monde avait vu, et qui était né sur fond de tensions entre l'Ukraine et la Russie. J'ai scanné un des dessins, je l'ai mis en couleur et je l'ai posté sur les réseaux sociaux.

Cette publication a brisé mon blocage créatif. J'ai dessiné Poutine, en plusieurs variantes (voir Lettre #1). Et d'autres idées ont commencé à naître en même temps que la résistance s'organisait en Ukraine.

The Batman

Hasard du calendrier, c'est à ce moment-là qu'est sorti le film The Batman de Matt Reeves sur les écrans du monde entier (sauf la Russie). Ce retour du superhéros emblématique était très attendu, après plusieurs retards et reports causé par la pandémie.

A première vue, le rapport entre ce blockbuster hollywoodien à grand spectacle et la guerre en Ukraine paraît incongru, voire indécent. Pourtant, le film est d'une noirceur, d'une brutalité rarement vue dans ce genre de production. Cette longue descente de près de trois heures dans les enfers d'une ville corrompue par le crime est tout à fait raccord avec l'humeur du moment.

Avant même d'avoir vu le film, j'ai imaginé un mashup entre le Joker et Poutine (que vous avez peut-être vu dans la Lettre #1).

Zelensky, de rigolo à (super)héros

Ce dessin appelait une contrepartie évidente : Volodymyr Zelensky, le rigolo devenu héros, en Bruce Wayne/Batman. J'imaginais une courte vidéo, où Kiev aurait remplacé Gotham et où s'opposeraient mes mashups de Poutine et Zelensky.

Une série de contretemps et de doutes ont retardé la création de la vidéo. Le portrait de Zelensky a pris plus de temps que prévu. J'ai d'abord dessiné la version 2022 de Batman, qui a troqué les collants moulants contre une armure guerrière (pour cacher le manque de carrure de Robert Pattinson, diront les mauvaises langues). Le dessin a été réalisé avec Procreate à partir d'une rapide esquisse sur papier.

Puis, toujours sur Procreate, j'ai dessiné un portrait rapide de Zelensky, dans une Kiev dévastée., avec la même gamme de couleur que le dessin de Batman.

J'ai travaillé à partir de ces deux dessins pour créer l'illustration finale, sur Illustrator. Mon idée initiale était de simplement et rapidement vectoriser les dessins, mais en cours de route j'ai pris pas mal de libertés par rapport aux modèles.

J'ai publié une version intermédiaire du dessin sur Instagram. Cette première publication m'a poussé à apporter quelques retouches pour améliorer le dessin (éclaircir le visage en particulier). Voici donc, en avant-première, l'illustration terminée.

En écrivant ces lignes, j'hésite à terminer la vidéo. L'illustration ne se suffit-elle pas à elle-même ? Donnez-moi votre avis en commentaire.

Batman et prise de masse

En contrepoint, pour décompresser devant la noirceur du film et de la réalité de la guerre, je me suis amusé à dessiner mon personnage fétiche Taupe Chef en Batman, sur un ton beaucoup plus humoristique. C'était à la fois un clin d'oeil au personnage et aux gourous du fitness.

Marina contre Poutine

Le 14 mars, la journaliste Marina Ovsiannikova a interrompu le journal télé russe avec une pancarte dénonçant la censure du régime et la guerre en Ukraine, que le régime de Poutine qualifie « d’opération de maintien de la paix contre des néo-nazis nationalistes ».

Pour ces 15 secondes de courage, Marina risque 15 ans de prison, pour désinformation. Son courage m'a inspiré ce dessin et une animation, illustrant le contenu de sa pancarte.

Les conséquences de la guerre

Une des conséquences de la guerre en Ukraine, c'est la hausse du prix des carburants et du gaz, qui vient s'ajouter à l'inflation et aux pénuries de matières premières induites par la pandémie. Pour l'illustrer, j'ai repris un dessin datant du premier confinement et je l'ai mis au goût du jour.

William Hurt (1950-2022)

Le décès de l'acteur William Hurt m'a replongé à l'époque de la guerre froide, dans les années 80, puisque c'est pendant cette décennie qu'il a connu son heure de gloire. Je lui ai rendu hommage sur le blog à travers cette illustration.

Carnaval noir

Ce dimanche 20 mars, le carnaval dans le village de Strépy-Bracquegnies, en Belgique, a tourné au drame. Il était 5 heures du matin. Une voiture a foncé dans la foule, rassemblée autour du traditionnel ramassage des gilles, qui marque le début des festivités. Six personnes sont mortes. Il y a des dizaines de blessés.

Des amis participaient à ce carnaval. Ils n'ont pas été blessés, mais ont été profondément choqués. Ce dessin rend hommage aux victimes. Un petit dessin pour une grande douleur.

Trois générations

Je terminerai cette lettre avec un flash-back nostalgique.

31 décembre 2009. Bratislava, Slovaquie.

Nous fêtons le Nouvel An chez des amis.

Après une balade au centre ville, nous attendons le tram. Il fait assez froid. Il y a un peu de brouillard. Je prends cette photo juste avant que le tram n'arrive et nous emmène vers le repas.

Je repense à cette photo aujourd'hui pour plusieurs raisons.

Parce que les images en provenance d'Ukraine me rappellent cette ambiance à Bratislava.

Parce que cette photo, que j'ai appelée "3 Générations" raconte plusieurs histoires, nimbées de mystère qu'il vous appartient de décoder et de lire.

Parce qu'elle colle bien à mon humeur du moment, un peu noire, assez nostalgique, dans un entre-deux un peu incertain.

Enfin, parce qu'après toutes ces années, après des centaines et des centaines de photos, cette image reste une de mes favorites.

Bon week-end.

N'hésitez pas à me dire en commentaire quelle image vous préférez et quelles émotions cette guerre vous inspire.

Fred